Affiche du film © SaNoSi

Visite (La) - La Basilique de Saint-Denis

Un film de Nicolas Favreau

 2015  France  Documentaire  Prise de vue réelle  22 mn  Couleur  Mode de production : Cinéma

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Dernière mise à jour : 14 février 2022

Jean-Claude découvre la Basilique de Saint-Denis en plein travaux. Il déambule autour des gisants pour lesquels il a de plus en plus d’empathie. Il descend progressivement dans la crypte archéologique de ce lieu sacré, attiré par un couloir sombre… Ultime refuge ?

« J’ai rencontré Jean-Claude il y a 5 ans. Avec ses mains tremblantes, son air un peu gauche, son éternel anorak, ses larges lunettes et, souvent, l’hiver, son bonnet de ski, « il paye » comme on dit. Quand Jean-Claude s’exprime, cela demande beaucoup de concentration. Ses silences sont magnifiques et puissants. Jean Claude parle beaucoup avec ses mains. Les mots ont parfois du mal à sortir. Il les expulse de sa bouche avec beaucoup d’énergie tant l’effort pour les exprimer est grand. Le mot est là pourtant. Il le connaît, mais il ne vient pas. Alors il nous implore de le dire pour lui. Parfois il s’énerve contre lui. Hausse le ton et utilise ses mains pour nous aider. C’est le type de conversation qu’on a avec Jean-Claude. Tout le challenge a été de le soutenir discrètement dans la conversation, de suggérer des mots, de rebondir avec quelques questions courtes, et de le laisser s’exprimer librement. Il n’est pas facile de chuchoter dans la crypte de la grande Basilique de Saint-Denis… Et pourtant quand on a m’a proposé ce lieu pour réaliser un des dix films de {La Visite, j’ai tout de suite pensé à Jean-Claude.}

L’occasion pour moi de prolonger une conversation que nous avons eue il y a cinq ans à l’occasion d’un projet web. Je l’avais trouvé fulgurant dans sa prestation. Cet homme de 55 ans dont le handicap n’a pas été diagnostiqué, qui s’exprime avec très peu de mots, sans verbes dans ses phrases, faisait mouche à chaque fois qu’il s’exprimait sur le handicap, l’amour, la mort… Lors de ce tournage, je compris qu’on pouvait avoir un handicap mental et être capable d’élaborer une pensée très sophistiquée. « Moi… Dur… Maman… Mort… Trop peur… Trop… Peur». Cette phrase résonne encore en moi. « Je suis dur avec maman parce que j’ai peur qu’elle meure ». L’introspection que cette phrase a déclenchée en moi me bouscule encore.

Jean-Claude avait été inspiré et inspirant sur le thème de la mort. J’ai donc eu envie de lui proposer de découvrir pour la première fois le pays des gisants dans le cimetière des puissants, des rois, des reines, des princes, à la Basilique de Saint-Denis. Car Jean-Claude est aussi un grand passionné d’architecture. Il passe ses journées à observer les grands chantiers de la capitale. Il connaît tout du centre Beaubourg, de l’opéra de Bastille, des travaux de la Défense et tout dernièrement la fondation Vuitton. Bref, il a un penchant affirmé pour l’architecture résolument moderne. En découvrant pour la première fois la Basilique de Saint-Denis, il a porté un regard d’esthète sur ce chef d’œuvre architectural de l’ancien temps. Il a remarqué « Travaux… Basilique… compliqués ».

Jean-Claude donne le meilleur de lui-même quand on ne le contraint pas. Je lui ai laissé carte blanche dans sa découverte de la Basilique. Pendant le tournage, il a évoqué sa croyance en Dieu avec une grande pudeur et moi qui ne crois en rien, j’ai été sensible au respect qu’il a pour les non-croyants.

J’ai réalisé un long entretien que je n’ai pas gardé au montage. Entre autres sujets, il m’a parlé de son amoureuse, Isabelle. Cet amour contrarié qui le bouleverse à chaque fois qu’il l’évoque. Jean-Claude vit seul en appartement et aimerait tellement partager sa vie avec Isabelle. Jean-Claude est un grand amoureux résigné. La belle famille en a décidé autrement. Lui qui rêvait d’un beau mariage à l’église… La Basilique de Saint-Denis a déclenché chez lui des rêveries. Et de la colère. Oui de la colère, car on a beaucoup décidé pour lui dans sa vie. Comme de l’enfermer dans un hôpital psychiatrique alors qu’il n’avait rien à y faire. Ces années passées derrières des barreaux le hantent encore. « Horrible… Horrible… Piqûre… Attaché ».

On le suit dans sa déambulation incertaine. Il ne se laisse pas démonter par les raffinements de détails dans la préparation des corps pour la mise au tombeau. Pendant qu’il longeait les sépultures, je me demandais ce qu’il pensait, au milieu des gisants, au milieu de statues d’hommes et de femmes de pouvoir, lui le fragile vivant, à qui on a tout imposé ? »

Nicolas Favreau. SaNoSi

« La Visite » est une collection de courts métrages où dix auteurs et autrices cinéastes proposent chacun et chacune une rencontre avec des personnes en situation de handicap mental découvrant un établissement emblématique de la culture française.

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