« Génération climat : la génération qui n’a plus le choix »

Sélection réalisée en : juillet 2022

Par Sophie Gergaud, programmatrice à Autour du 1er mai

La filmographie est également téléchargeable en pdf ici.

Du 13 au 19 juin 2022 s’est tenu aux Canaux, à Paris, le volet «  La jeunesse s’engage pour le climat  » du Festival de l’économie engagée. Quelques semaines plus tôt, lors de la cérémonie de remise des diplômes, des étudiant·es d’AgroParisTech appelaient leurs camarades à déserter l’agro-industrie et en particulier une «  formation qui pousse à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours  », les invitant plutôt à chercher leurs «  propres manières de bifurquer  » afin «  d’imaginer leurs propres voies  ». Leur message inspirant, dont la vidéo partagée sur les réseaux sociaux est devenue virale (plus de 700 000 vues en quatre jours) et a été largement commentée par les médias traditionnels, fait écho au travail de sensibilisation de nombreuses ONG spécialisées qui, comme le rappelle le communiqué d’Ingénieurs sans frontière, appellent de leurs vœux depuis plusieurs décennies la transformation radicale de toutes les formations d’ingénierie afin qu’elles répondent enfin aux enjeux de transition agroécologique et de démocratie alimentaire…

C’est cette nouvelle génération engagée que nous avons souhaité mettre à l’honneur dans notre filmographie de juillet. Pour vous accompagner et égayer votre été, nous vous avons donc préparé une sélection de films dans lesquels la jeunesse se met à pied d’œuvre pour la défense du climat, faisant la promotion de comportements éco-responsables et essayant de conscientiser le monde qui l’entoure.

Bien plus qu’une génération désenchantée, c’est le portrait d’une jeunesse engagée et déterminée que ces films nous livrent, tout en se faisant porteurs d’espoir et mobilisateurs grâce aux personnalités inspirantes qu’ils donnent à voir. Des films sur une jeunesse qui, lucide sans être pour autant désabusée, s’affirme comme profondément décidée à faire bouger la société pour davantage de justice climatique et un avenir plus vivable.

© L’Horizon - Les Films du losange

«  Génération climat  »

Les résultats de nombreuses études le prouvent : les jeunes occupent les premières lignes de la transition écologique et sociale  ! Loin de nous cependant l’idée de tomber ici dans un âgisme facile qui est souvent attaché aux représentations du mouvement environnemental. La question du climat ne saurait se réduire à une quelconque sensibilité générationnelle, pas plus qu’elle ne témoigne d’une profonde fracture entre les générations sur le sujet (plusieurs études le démontrent). Il n’en reste pas moins que les jeunes générations sont particulièrement concernées car c’est leur avenir qui s’en trouve directement menacé. Et comment peut-on tracer sa route et s’épanouir quand on sait que la planète court à sa perte  ?

En résonance directe avec l’appel à bifurquer des ingénieur·es d’AgroParisTech, le documentaire «  Ruptures  » (**) (2021) d’Arthur Gosset nous emmène à la rencontre de jeunes étudiant·es qui, malgré un destin bien tracé par leurs brillantes études à Polytechnique, Sciences Po ou Centrale et la promesse d’un emploi qui «  paye bien  », ont fait le choix radical de mener une vie plus compatible avec les enjeux environnementaux et sociétaux de notre époque. Le film navigue entre intimité des échanges et découverte de la concrétisation de leurs nouveaux projets. Ce faisant, il démontre que cette rupture, souvent douloureuse, s’accompagne d’une profonde volonté de vivre en adéquation avec ses convictions, quoi qu’il en coûte.

Changement d’échelle et d’ambiance avec «  Désobéissant·e·s  » (**) (2020), un documentaire qui nous entraîne, en pleine immersion, dans le tourbillon d’une mobilisation sans précédent. Face à l’urgence et à l’inaction des gouvernements, une frange importante de la jeunesse a dorénavant fait le choix de la désobéissance civile et a décidé d’unir ses forces de par le monde, tissant en quelque sorte le réseau d’une internationale informelle du climat qui relie différents mouvements de contestation européens.

Un mouvement planétaire

Si Laury-Anne Cholez, journaliste à Reporterre, estime que le film d’Alizée Chiappini et Adèle Flaux et ses «  Désobéissant·e·s  » laisse en suspens la question de savoir si «  désobéir sera suffisant pour changer le cours des choses et faire émerger une société plus soutenable  », «  Bigger than us  » (**) (2021) montre quant à lui une jeunesse impliquée dans la lutte pour les droits humains, le climat, la liberté d’expression, la justice sociale, l’accès à l’éducation, l’alimentation et, par-dessus tout, la dignité pour tout·es. De Rio à Jakarta, en passant par les camps de refugiés au Liban et une mer Méditerranée qui se transforme peu à peu en cimetière, le film de Flore Vasseur nous fait vivre le quotidien de ces jeunes époustouflants, au gré de leurs actions concrètes et inspirantes visant à façonner leur monde de demain. On ne saurait trop vous inviter à continuer l’aventure au-delà du visionnage du documentaire grâce au site dédié particulièrement complet qui donne les clés pour rejoindre la communauté créée autour du film et met à notre disposition un nombre important de ressources pédagogiques et autres documents pour mener ses propres campagnes d’impact, traçant les pistes d’action possibles pour toutes celles et tous ceux – jeunes et moins jeunes – qui souhaitent s’investir. Dans la section réunissant les réactions du public, il est intéressant de lire qu’en découvrant de telles figures héroïques de leur âge, le film a fait naître bon nombre de vocations au sein de son jeune public  !

On reste du côté de l’action concrète avec «  Wave of change  » (**) (2021) qui nous fait monter à bord du Nomade des Mers, un bateau laboratoire low tech qui multiplie les expériences afin de tester des technologies toujours plus respectueuses de l’être humain et de la planète. Entre beauté des paysages et pauses sportives au gré des spots de surf, le jeune équipage partage l’ingéniosité déployée de par le monde pour répondre de façon simple, accessible et durable aux besoins de tout un chacun.

Il était évidemment impossible de parler de jeunesse inspirante, déterminée et activement mobilisée pour le climat sans citer «  I am Greta  » (**) (2021), un documentaire particulièrement poignant qui suit le parcours de la jeune suédoise Greta Thunberg, de ses premières grèves de l’école pour le climat en 2018, alors qu’elle n’a que 15 ans, jusqu’à sa traversée de l’Atlantique en voilier de course zéro carbone afin d’assister au sommet mondial de l’ONU à New-York, en 2019. Et tandis que le réalisateur Nathan Grossman la filme dans son quotidien, dressant un portrait à la fois touchant – car plein d’humilité – et inspirant – tant elle fait preuve d’un courage impressionnant -, on comprend mieux comment des millions de jeunes à travers le monde ont pu et voulu la suivre dans sa démarche et sa détermination, faisant d’elle la porte parole de tout un mouvement mondial pour le climat…

Et pour terminer, c’est du côté de la fiction que nous vous invitons à aller à la rencontre de cette «  génération climat  ». Si les prises de conscience de l’urgence climatique ont davantage été explorées par le documentaire, le tout récent long métrage d’Emilie Carpentier, «  L’horizon  » (2022) nous livre le récit sensible de l’éveil politique et écologique d’une jeune de 18 ans, Adja, qui vit au cœur d’une banlieue lointaine où s’enlacent bitume et champs. Prenant conscience que le village natal de sa mère en Afrique subit déjà la montée des océans, et alors qu’elle se rapproche d’Arthur, un ami de lycée, militant à la ZAD (Zone À Défendre) qui s’est installée à la limite de leur quartier afin de lutter contre l’expulsion des agriculteurs au profit de l’implantation d’un immense complexe destiné à offrir toujours plus de loisirs et de commerces, Adja vit des journées intenses et décisives où le choix d’un monde plus durable lui retourne le cerveau tout autant qu’il l’amène à prendre des risques.

On ne saurait trop vous conseiller de voir ce film émouvant de par la force et l’énergie qu’il charrie et, en attendant, c’est l’une de ses dernières répliques qui nous donne le mot de la fin :

Est-ce qu’on est foutus  ? non on est déterminés

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