Agir en commun : pour des territoires plus justes et durables

Sélection réalisée en : septembre 2024

Les Journées portes ouvertes (JPO) de l’habitat participatif sont coordonnées par Habitat Participatif France. Elles se tiennent chaque année au mois de septembre et invitent chaque groupe d’habitant·es à faire découvrir à leurs voisin·es, à des personnes en construction d’un projet d’habitat participatif, aux collectivités mais aussi tout simplement à un public de personnes curieuses d’autres manières d’habiter ensemble, plus collectives, plus solidaires, plus frugales… Chaque année, ce sont autour de 150 évènements qui sont organisés un peu partout en France et qui sont répertoriés sur une carte consultable en ligne ici.

Pour cette 11e édition, Habitat Participatif France propose comme fil conducteur «  L’Agir en commun, pour des territoires plus justes et durables  ». C’est dans cette thématique que nous avons choisi d’inscrire notre filmographie du mois qui se fait le reflet de la diversité des projets existants, l’appellation «  habitat participatif  » étant un terme fédérateur qui peut regrouper différentes formes, de l’habitat inclusif à l’habitat groupé, en passant par les coopératives d’habitant·es ou les écovillages et autres écolieux.

Une filmographie pensée comme un parcours-découverte dont chaque étape explore, grâce au documentaire, une facette inspirante de ces projets vertueux. Bonne visite  !

Bon à savoir : chaque titre de film suivi de (G) est visionnable gratuitement en ligne  ; chaque titre de film suivi de (VOD) est visionnable en ligne sur une plateforme en paiement à l’acte.

La filmographie est disponible au format pdf ici.

1 - Envies et défis de l’habitat participatif et partagé

Selon la définition donnée par le site d’Habitat Participatif France, l’habitat participatif combine des logements individuels et des espaces communs. Il permet à des groupes de personnes de concevoir, créer et gérer leur habitat ensemble, un habitat qui répond au mieux à leurs besoins, leurs moyens et leurs aspirations. Au cœur de tout projet d’habitat participatif se trouve donc une volonté de réappropriation : la réappropriation des décisions et des responsabilités de l’acte de construire ou de rénover, d’adapter et d’entretenir son lieu de vie, son habitat. Les habitant·es redeviennent acteurs et actrices de la réflexion, de la conception et des décisions concernant leurs logements. L’habitat participatif favorise ainsi le pouvoir d’agir et l’intelligence collective. Bien souvent, la solidarité et la frugalité sont également mises dans la boucle des dynamiques territoriales.

Cette définition, dans ses multiples dimensions, est parfaitement illustrée par un film que nous venons tout juste d’ajouter à la base TESSA (Transition, Économie sociale et solidaire, Alternatives), grâce à la suggestion d’Habitat Participatif France. Dans «  Desseins communs. Envies et défis d’un habitat partagé  » (G) de Valérie Chopin (2022), nous découvrons le projet porté par les douze habitant·es de la Bigotière, un éco-hameau créé en 2016 et situé à Épiniac, en Ille-et-Vilaine. À cinquante ans passés, à l’âge où beaucoup aspirent à se poser, ces six couples d’ami·es ont choisi de se lancer dans l’aventure de l’habitat partagé au sein d’un corps de ferme où tout était à rénover et à repenser. Aujourd’hui, le lieu réunit des habitations pour six familles, mais aussi un lieu de vie et d’accueil pour des mères isolées avec enfants, un fournil et une compagnie de spectacle. Une dizaine d’activités en lien avec la commune s’y déroulent également. Une initiative particulièrement ambitieuse et aboutie, que nous vous invitons chaudement à découvrir en visionnant le film. Une belle façon de commencer notre parcours-découverte des habitats participatifs comme solution pour mieux habiter demain, mieux vivre ensemble et donner un nouveau sens à notre existence.

Certaines séquences de Desseins communs sont joliment illustrées par l’artiste Emmanuel Lepage, auteur de la bande-dessinée Cache-cache bâton dans laquelle il aborde son enfance au sein d’une communauté et laisse libre cours à son besoin de «  comprendre  ». Comprendre pourquoi, aujourd’hui comme hier, des gens - comme ses parents - inventent d’autres façons d’être ensemble. Comprendre pourquoi ça le touche si profondément. Pourquoi, aussi, l’aventure n’a pas duré. Quand, dans Desseins communs, il évoque la rupture et le départ de ses parents, les habitant·es de la Bigotière l’avouent sans fard : si leur projet a pu tenir au départ, c’est «  parce que les enfants étaient déjà grands  ». Le film «  Rue de l’utopie  » (VOD) de Josiane Zardoya et Maïté Débats (2019) vient faire écho à ce questionnement en esquissant des pistes de solution. Il nous plonge dans un projet d’habitat participatif à Ramonville-St-Agne, près de Toulouse, qui réunit 13 adultes et 9 enfants. Un projet en pleine construction que les cinéastes ont suivi pendant un an et demi, entre jours paisibles et flambées de dissensions, entre décisions à prendre et obstacles à surmonter, pendant ces moments où tout est à inventer et à imaginer pour que l’entreprise tienne et que le groupe reste lié. Avec un objectif commun : «  habiter ensemble et chacun chez soi  ».

2 - Les écovillages, laboratoires d’innovation et d’expérimentation

Poursuivons ce parcours-découverte de l’habitat participatif avec deux films consacrés à plusieurs exemples d’écovillages : «  En liberté  !  » (G) d’Alex Ferrini (2018) et «  En quête d’autonomie  » (G) de Demos Kratos (2018), dans lesquels les habitant·es partagent les enseignements qu’ils et elles ont tirés pour bâtir leurs habitats, produire leur énergie, faire pousser leur alimentation, s’organiser en collectif et ainsi devenir plus autonomes et résilient·es. Du village de Pourgues en Ariège au lieu-dit Lartel à Masquières dans le Lot-et-Garonne, en passant par le moulin de Busseix dans le Limousin, ces deux documentaires nous immergent au sein de plusieurs initiatives et réflexions s’efforçant de faire face à l’effondrement économique, politique et biotique. Véritables laboratoires d’expérimentations, ces projets interrogent chacune des activités essentielles pour notre survie (agriculture, éducation, économie, gouvernance, consommation, santé…) et nous invitent à nous transformer.

Si les trois exemples précédents se déroulent exclusivement en milieu rural, il serait faux de croire qu’avenir résilient et milieu urbain sont forcément antinomiques. Ainsi notre parcours-découverte se poursuit-il du côté de Berlin, de Bayonne ou encore de Toulouse avec des exemples d’habitats participatifs citadins en écovillages engagés qui ont choisi d’adopter des modes de vies alternatifs, solidaires et écologiques. Les films «  Voyage au cœur du collectif  » (G) de Cécile Hessler (2021) et «  À Berlin, la réinvention d’un art de vivre en commun  » (G) d’Axel Lebruman (2018) prouvent qu’en ville aussi, l’époque est non seulement aux questionnements quant à notre façon de vivre et de consommer, mais aussi aux regroupements de citoyen·nes qui, ensemble, choisissent de résister à la pression immobilière qui ronge le vivre-ensemble.

3 - Changer de société oui, mais sans oublier «  nos vieux  » !

C’est le président de la coopérative de Chamarel-les-Barges à Vaulx-en-Velin qui le dit dans «  Habiter ses vieux jours  » (G) : «  Ras-le-bol de toutes les formules qu’ils inventent : “les seniors“, “le 3e âge“… Je préfère qu’on dise les vieux. N’ayons pas peur des mots  !  ». Et ces «  vieux  » que nous avons joie à rencontrer dans le film de Florence Mary n’ont d’ailleurs pas peur de grand chose, surtout pas de porter des initiatives inspirantes ayant toutes pour point commun d’être mues par une intime conviction : celle que pour accompagner notre changement de société, il va falloir apprendre à réinventer notre vieillesse. Trop souvent, celle-ci est vue comme une maladie et se retrouve trop médicalisée, là où il ne s’agit encore que de capacités qui déclinent et qui peuvent se compenser par de la solidarité, du vivre-ensemble, de l’habiter autrement.

Et les chiffres sont là : les personnes âgées représentent aujourd’hui plus des deux-tiers des candidat·es à l’habitat participatif. Ce mouvement croissant, aussi bien en zone urbaine que rurale, vient répondre à l’anticipation du besoin d’aide et de soins, à une profonde envie de liens, de se sentir chez soi tout en étant bien entouré·e, mais aussi de trouver un équilibre financier tout en continuant à renforcer son pouvoir d’agir et son statut de citoyen·ne – citoyen·ne du bien-vieillir. Le film Habiter ses vieux jours donne à voir un éventail des possibilités des plus inspirantes et qui sortent des sentiers battus, entre projets intergénérationnels, pratiques et consommation écoresponsables, constructions écologiques et économes en foncier, logements abordables et mixité des conditions d’accès, etc. En bref, des initiatives d’habitant·es qui produisent de la transformation sociale et qui offrent la perspective d’une vieillesse active le plus longtemps possible.

Conclusion : d’hier à aujourd’hui, construire collectivement des alternatives pour, demain, aller ensemble plus loin

Or tous ces exemples s’inscrivent dans une histoire qui, elle non plus, n’est pas toute jeune. Car s’il est vrai que l’habitat participatif connaît un renouveau depuis les années 2000, avec la crise du logement, l’individualisme croissant, les problématiques environnementales et la perte de lien social qui caractérisent notre société actuelle, les siècles précédents sont aussi riches d’enseignement. Terminons donc notre parcours-découverte de l’habitat participatif avec des films de la base TESSA qui nous font remonter le temps et nous transportent en 1859, à l’époque de la création du Familistère de Guise par l’industriel Jean-Baptiste André Godin. «  Les Gens du tas de briques  » (G) de Stéphane Wamin (1998), «  Le Familistère de Guise. Une cité radieuse au XIXe siècle  » de Catherine Addaou (1999) ou encore «  Le Familistère de Guise, une utopie réalisée  » (G) de Sophie Bensadoun (2013) nous plongent dans cette aventure de la mutualisation permettant aux ouvriers et ouvrières d’accéder à un habitat ainsi qu’à des services (écoles, théâtre, piscine, bibliothèque…) auxquels ils et elles n’auraient pu prétendre individuellement. Le film «  La Cité des abeilles  » (VOD) nous plonge quant à lui dans la mouvance des années 1950, au moment où naissent les «  Castors  », un mouvement d’autoconstruction coopérative qui permet à de nombreuses familles de construire leur logement sur un même terrain.

Ces projets du passé avaient déjà en leur cœur le souci d’un logement abordable et alternatif, ainsi que des effets concrets sur les dynamiques de territoires. Réchauffement et dérèglement climatiques obligent, l’habitat participatif de demain s’invente aussi désormais avec des matériaux locaux et bio-sourcés, des énergies renouvelables, une logique forte de frugalité et de résilience. Mû par la solidarité, la mixité sociale et intergénérationnelle et le vivre-ensemble, l’habitat participatif retisse les dynamiques au sein des territoires en lien avec le voisinage ou le quartier tant en zone rurale qu’urbaine. En bref, il est un des précurseurs essentiels de la transition, à la fois sociale et écologique. Et si notre parcours-découverte à travers les films s’achève ici, nous espérons qu’il vous aura donné envie d’en savoir plus sur les projets d’habitat participatif proches de chez vous et d’aller leur rendre visite.

Alors n’attendez plus : en ce mois de septembre, les portes de l’habitat participatif vous sont grand ouvertes  !

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