Kanak, hier et aujourd’hui
Sélection réalisée en : juin 2024
Vous le savez maintenant, la Base cinéma et société d’Autour du 1er mai est un catalogue raisonné qui recense des films témoignant de la société, de ses combats, de ses utopies… Mais saviez-vous qu’en plus des 26 chemins thématiques, elle propose également le « fil de l’Histoire »qui vous invite à explorer plusieurs périodes historiques emblématiques grâce au temps long du cinéma ?
Nous saisissons l’opportunité offerte par l’actualité brûlante en Kanaky-Nouvelle-Calédonie pour vous proposer de découvrir l’une de ces périodes à travers les films qui sont régulièrement recensés dans « les Kanak, hier et aujourd’hui ».
La filmographie est disponible au format pdf ici.
« Émeutes », « sans précédent » ? Pour ne pas oublier les racines des conflits
Dans ce fil de l’Histoire, se trouvent par exemple des films récemment recommandés par les Mutins de Pangée dans leur infolettre toujours aussi bien éditorialisée et par laquelle ils nous invitent, à juste titre, à nous dégager des éléments de langage de la propagande ambiante (notamment quand on entend « émeutes » associé à « sans précédent », répétés en boucle à la télévision), une propagande dont le premier réflexe est semble-t-il de nous faire oublier les racines des conflits en prétendant ignorer de quel passé se nourrit toujours et inévitablement le présent.
À l’inverse, explorer les films de notre fil de l’Histoire permet d’éclairer les événements actuels à la lumière de notre histoire coloniale et à partir de la parole des Kanak. C’est le cas pour Wan Yaat – Sur une terre de la République française (2022) qui raconte le piège qui leur a été tendu à Hienghène en 1984 et le massacre qui s’en suivit – un massacre qui ne donnera lieu à aucune condamnation pour les assassins, par deux fois acquittés au motif absurde et inique de « légitime défense préventive ». C’est aussi le cas pour les documentaires consacrés à la tragédie d’Ouvéa de 1988, comme ceux de Dorothée Tromparent et Emmanuel Desbouiges Au nom du père, du fils et des esprits (2017) et Notre guerre (2019), mais aussi Retour sur Ouvéa (2008) de Mehdi Lallaoui.
La force du pacifisme aussi
Mais par-delà les violences qu’ils révèlent, les films de notre fil de l’Histoire invitent aussi à se souvenir des forces et volontés pacifistes qui ont toujours existé et qui perdurent encore… même si le pouvoir en place s’aventure régulièrement à les requalifier de « terrorisme », et même si ce sont souvent les gouvernements de métropole qui viennent mettre à mal par leurs politiques délétères une concorde civile fragile – c’est bien sûr le cas actuellement et c’est ce qui pointe déjà dans le film Les Enfants de la patrie (2018).
On retrouve évidemment à travers de nombreux documentaires la figure centrale de Jean-Marie Tjibaou, comme dans Tjibaou, le pardon (2006) ou Jean-Marie Tjibaou ou le rêve de l’indépendance (2001). Mais on ne saurait trop vous conseiller également le très beau Andi (2022) dans lequel Dorothée Tromparent et Emmanuel Tjibaou dressent le portrait de Marie-Claude « Andi » Wetta, une femme touchante, secrète et forte qui fut bien plus que l’épouse de Jean-Marie Tjibaou et dont la vie hors normes qui se confond avec l’histoire de son pays.
Un fil de l’Histoire en continu… et deux bonus !
Les périodes du fil de l’Histoire de la Base cinéma & société n’ont pas pour vocation d’être refermées : ainsi nous continuerons régulièrement à ajouter des films en lien avec « les Kanak, hier et aujourd’hui » et nous vous conseillons donc de revenir régulièrement y faire un tour ! Bon à savoir : une grande partie des films que nous référençons sont visibles en VOD sur CinéMutins et beaucoup proviennent de l’excellent catalogue de Foulala productions, société calédonienne pour laquelle exercent les cinéastes Emmanuel Desbouiges et Dorothée Tromparent dont les documentaires sont particulièrement éclairants.
Et pour terminer cette filmographie mensuelle, nous avions envie de vous pointer deux bonus ! Des ressources qui ne sont pas dans la Base cinéma & société (car il ne s’agit pas de films en tant que tels) mais qui méritent néanmoins le coup d’œil : la première pour l’éclairage contextuel à la fois concis et pertinent de la situation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie qu’elle nous livre (il s’agit de l’épisode de la chaîne Youtube Histoires crépues intitulé « Le paradoxe de la Kanaky Nouvelle Calédonie - Racisme inversé ? » qui redéfinit à toutes fins utiles les différents concepts qui sont en jeu dont celui, essentiel, de racisme systémique) ; la seconde, intitulée « Instants de barrages », pour ses images prises sur le vif afin de nous faire partager l’atmosphère ambiante.
En effet, depuis les premiers jours de la révolte récente, un membre des Mutins de Pangée (qui vit sur place) filme avec son smartphone, dans une démarche spontanée héritière de l’approche documentariste du « cinéma-vérité » et du « cinéma d’intervention sociale ». Nous conclurons avec sa propre description des vidéos qu’il nous envoie :
« Ces images ne sont à considérer que comme des vidéos d’ambiance, assemblées à la hâte, pour tenter d’appréhender l’atmosphère du moment. Pour l’instant, cela ne peut être rien de plus. […] Plus tard viendra le temps de l’exposition de la parole politique. Il s’agira alors d’explorer, avec tout le recul analytique nécessaire, la mise en perspective d’une mobilisation en mouvement face aux présupposés déterminés par les cadres théoriques et les perspectives sociopolitiques qu’implique la longue marche vers l’accession à la pleine souveraineté. »
Des images qui, devenues films documentaires au gré du temps long du cinéma, viendront alors rejoindre… notre fil de l’Histoire.
Accéder à tous les films du fil de l’Histoire « Les Kanak, hier et aujourd’hui »
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Wan Yaat. Sur une terre de la République française
Dorothée Tromparent, Emmanuel Desbouiges, 2022
Le récit de l’un des épisodes les plus sanglants des « Événements » de Nouvelle-Calédonie des années 1980, quand des militants kanak indépendantistes sont victimes d’une embuscade tendue par leurs voisins, descendants de colons, par la suite acquittés au motif de la « légitime défense préventive » : un non-sens en droit français.
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Dorothée Tromparent, Emmanuel Tjibaou, 2022
En Nouvelle-Calédonie, Marie-Claude Tjibaou est une autorité incontestée : veuve du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, fondatrice et présidente du Centre culturel Tjibaou, aujourd’hui membre du Comité des Sages. Une vie hors normes qui se confond avec l’histoire de son pays. Mais qui est-elle réellement ?
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Dorothée Tromparent, Emmanuel Desbouiges, 2019
Entre 1984 et 1988, la Nouvelle-Calédonie s’embrase. Les affrontements font 73 morts. Les enfants calédoniens n’ont pas été épargnés par ce conflit. C’est leur guerre qu’ils nous racontent aujourd’hui.
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Maxime Caperan, Éva Sehet, 2018
À Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, Macky et les siens commémorent, comme chaque année, les évènements tragiques qui ont secoué l’île en 1988. De l’armée, de l’État, ils ne veulent d’ailleurs plus entendre parler. Tout ce qu’ils désirent c’est l’indépendance du peuple kanak. Sauf que cette année, trente ans après, le président de la République décide de leur rendre visite.
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Au nom du père, du fils et des esprits
Dorothée Tromparent, Emmanuel Desbouiges, 2017
Un an après les Accords de Matignon, Jean-Marie Tjibaou était assassiné à Ouvéa. 29 ans après ce drame, Emmanuel Tjibaou, l’un de ses fils, réinterroge le passé. Hanté par la mort de son père, il explore les archives, interroge ceux qui l’ont côtoyé et dévoile une part de ses souvenirs d’enfance.
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Mehdi Lallaoui, 2008
Vingt ans après, que subsiste-il de la tragédie d’Ouvéa et comment peut-on encore construire un avenir partagé et sans haine, entre indépendantistes et loyalistes ?
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Gilles Dagneau, 2006
À partir d’images d’archives inédites et de témoignages recueillis en Nouvelle-Calédonie, le chemin de la réconciliation des familles depuis l’assassinat du chef du mouvement indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou par le militant Djubelli Wea.
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Jean-Marie Tjibaou ou le rêve d’indépendance
Mehdi Lallaoui, 2001
Portrait de Jean-Marie Tjibaou, leader du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) qui accepta le dialogue avec Paris pour tracer la voie d’une décolonisation en douceur, avant d’être assassiné en 1989.